CommĂ©morations du 11-Novembre Le 5 septembre 1914, il y a cent ans, le lieutenant Charles PĂ©guy Ă©tait tuĂ© prĂšs de Meaux. Michel Laval raconte les trente-cinq derniers jours de la vie de lâĂ©crivain français. PubliĂ© le 05 septembre 2014 Ă 12h09 - Mis Ă jour le 19 aoĂ»t 2019 Ă 14h46 Temps de Lecture 11 min. Le 5 septembre 1914, le lieutenant Charles PĂ©guy Ă©tait tuĂ© prĂšs de Meaux. Michel Laval, avocat, auteur de TuĂ© Ă lâennemi, la derniĂšre guerre de Charles PĂ©guy Calmann-LĂ©vy, 2013, prix de lâAcadĂ©mie française, raconte les trente-cinq derniers jours de la vie de lâĂ©crivain français. Le samedi 5 septembre 1914, en fin dâaprĂšs-midi, le lieutenant Charles PĂ©guy est tuĂ© aux alentours du village de Villeroy prĂšs de Meaux au cours dâun combat de rencontre avec les unitĂ©s dâarriĂšre-garde de la IĂšre armĂ©e allemande du gĂ©nĂ©ral Alexandre von Kluck. ĂgĂ© de 41 ans, PĂ©guy, lâenfant qui parcourait les levĂ©es de la Loire en rĂȘvant aux grandes batailles de lâhistoire de France », le normalien dreyfusard qui affrontait les bandes maurrassiennes et antisĂ©mites, le rĂ©publicain mystique de Notre Jeunesse, le poĂšte marchant de son pas de pĂšlerin blessĂ© vers des mondes invisibles en ruminant des vers sublimes, le citoyen de la commune espĂšce », le chrĂ©tien de lâespĂšce commune », bon Français de lâespĂšce ordinaire », le patriote rĂ©volutionnaire, PĂ©guy la colĂšre, PĂ©guy lâhĂ©rĂ©tique, est lâun des premiers morts de la bataille de la Marne qui, dĂšs le lendemain et pendant quatre jours historiques, va opposer entre Meaux et Verdun plus de deux millions dâhommes sur un front de 250 kilomĂštres. La mort de Charles PĂ©guy, et avec lui dâune centaine dâhommes de la 19Ăšme compagnie du 276Ăšme rĂ©giment dâinfanterie de rĂ©serve, marque lâĂ©pilogue hĂ©roĂŻque et tragique dâun premier mois de guerre au cours duquel, aprĂšs les trĂšs meurtriĂšres offensives dâAlsace et de Lorraine, aprĂšs le dĂ©sastre des Ardennes, aprĂšs les dĂ©faites de Charleroi et de Mons, trois armĂ©es françaises et une armĂ©e anglaise ont entrepris, sous une chaleur accablante entrecoupĂ©e dâorages, une harassante retraite pour Ă©chapper au mouvement dâenveloppement de lâarmĂ©e allemande lancĂ©e Ă leur poursuite En moins de deux semaines, fantassins, artilleurs, hommes du gĂ©nie et cavaliers des deux camps ont parcouru un chemin qui les a conduits des frontiĂšres du Nord et du Nord-Est aux rives de la Marne et de la Seine. Une marche interminable sur des routes poussiĂ©reuses encombrĂ©es de rĂ©fugiĂ©s et de convois de blessĂ©s. Une marche Ă©puisante entrecoupĂ©e de combats entre arriĂšre et avant-gardes, les unes pour retarder lâavance allemande, les autres pour forcer le passage dans les lignes françaises. Certaines unitĂ©s ont accompli des Ă©tapes quotidiennes de trente Ă quarante kilomĂštres, depuis les premiĂšres lueurs de lâaube jusquâĂ la nuit tombĂ©e. Le 4 septembre, des reconnaissances de uhlans ont Ă©tĂ© aperçues Ă vingt kilomĂštres de Paris. Le 5, les IĂšre, IIĂšme et IIIĂšme armĂ©es des gĂ©nĂ©raux von Kluck, von BĂŒlow et von Hausen ont franchi la Marne Ă La FertĂ©-sous-Jouarre, Ăpernay et ChĂąlons, tandis que la IVĂšme armĂ©e du duc de Wurtemberg passait sous les ailes de lĂ©gende du Moulin de Valmy. CĂŽtĂ© allemand, la victoire paraĂźt certaine et dĂ©jĂ presque acquise. Des vagues innombrables de feldgrau dĂ©ferlent sur lâhexagone au son des tambours et des fifres, laissant dans leur sillage mĂ©canique un terrible cortĂšge dâatrocitĂ©s et dâexactions. Louvain et sa cĂ©lĂšbre bibliothĂšque ne sont plus quâun amas de cendres et de ruines. Ă LiĂšge, Dinant, Namur et Senlis, des dizaines de civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s. Les viols, les exĂ©cutions dâotages, les pillages et les incendies se comptent par centaines. Rien ne paraĂźt plus dĂ©sormais en mesure dâarrĂȘter lâinvasion redoutĂ©e, Ă lâinstant mĂȘme oĂč pourtant lâoffensive foudroyante menĂ©e par cinq armĂ©es ennemies surgies en masse du Luxembourg et de la Belgique envahis, a commencĂ© Ă dĂ©vier le cours programmĂ© par le Plan Schlieffen sous lâimpulsion de gĂ©nĂ©raux orgueilleux, enivrĂ©s par leurs premiers succĂšs. CĂŽtĂ© français, lâenthousiasme des premiers jours a fait place Ă la crainte dâune nouvelle et dĂ©sastreuse dĂ©faite semblable Ă celle qui, quarante-quatre ans auparavant, avait prĂ©cipitĂ© la nation tout entiĂšre dans lâabĂźme dâune des plus terribles humiliations de son histoire. Mais les troupes qui refluent toujours plus vers le Sud ne se sont pas disloquĂ©es sous la pression adverse. La retraite sâeffectue dans lâordre sur une ligne continue, sans rupture du front qui, de Verdun Ă lâAlsace, barre solidement la route de lâEst Ă lâenvahisseur. Aucune dĂ©bĂącle, aucune dĂ©bandade, aucune panique. Les soldats ont tenu, pressĂ©s de se battre, malgrĂ© la fatigue et la faim, malgrĂ© la chaleur et la soif, malgrĂ© le fardeau des sacs et leurs courroies sciant les Ă©paules, malgrĂ© les pieds lourds et chauds, malgrĂ© les canonnades et le bruit sourd de la horde Ă leur trousse. Les gĂ©nĂ©raux incapables ou irrĂ©solus ont Ă©tĂ© limogĂ©s. Les pillards ou les dĂ©serteurs ont Ă©tĂ© fusillĂ©s. AprĂšs le 25 aoĂ»t, tout le dispositif militaire a Ă©tĂ© reconstituĂ©, tout le plan dâopĂ©rations a Ă©tĂ© repensĂ©. Le 2 septembre, le Gouvernement a quittĂ© Paris pour Bordeaux, raison invoquĂ©e de donner une impulsion nouvelle Ă la dĂ©fense nationale ». Le gĂ©nĂ©ral Gallieni a Ă©tĂ© tirĂ© de sa retraite. Mission lui a Ă©tĂ© donnĂ©e de dĂ©fendre la capitale quâune partie de sa population a fuie et dont le siĂšge paraĂźt dĂ©sormais imminent. AgenouillĂ©e derriĂšre ses soldats, la France prie pour son salut. Charles PĂ©guy et les hommes qui tombent Ă ses cĂŽtĂ©s sur le champ de bataille de Villeroy le 5 septembre 1914 se sont retrouvĂ©s dĂšs la mobilisation gĂ©nĂ©rale dans la tourmente de ce premier mois de guerre oĂč lâhistoire du monde a basculĂ©. RassemblĂ© Ă Coulommiers, le 276Ăšme rĂ©giment dâinfanterie a rejoint le 10 aoĂ»t le front de Lorraine oĂč il est restĂ© en rĂ©serve pendant prĂšs de dix jours avant dâĂȘtre envoyĂ© en premiĂšre ligne sur les Hauts de Meuse. Le 24 aoĂ»t, toute la 55Ăšme division Ă laquelle il appartient, a Ă©tĂ© rapatriĂ©e vers lâOuest pour ĂȘtre intĂ©grĂ©e dans la nouvelle masse de manĆuvre, la 6Ăšme armĂ©e, que le Chef dâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral, lâimperturbable Joseph, Jacques, CĂ©saire Joffre, a dĂ©cidĂ© de constituer pour endiguer la ruĂ©e allemande et qui bientĂŽt va devenir le fer de lance de la gigantesque contre-offensive dont lâidĂ©e a surgi Ă la faveur des erreurs ennemies. Le 3 septembre, des renseignements concordants sont parvenus au siĂšge du Grand Quartier GĂ©nĂ©ral Ă Bar-sur-Aube rĂ©vĂ©lant que dâinterminables colonnes de soldats allemands inclinaient leur route vers le sud-est en laissant sur leur droite Paris et la 6Ăšme armĂ©e dont le commandement a Ă©tĂ© confiĂ© au gĂ©nĂ©ral Maunoury. Convaincu dâune victoire rapide et dĂ©cisive sur les forces françaises quâil croit au bord de lâeffondrement, le gĂ©nĂ©ral von Kluck a obliquĂ© sa route vers lâest. Erreur capitale. Gallieni Ă Paris et Joffre Ă Bar-sur-Aube ont saisi instantanĂ©ment lâaubaine de ce mouvement imprĂ©vu. Ils ont compris que lâarmĂ©e allemande sâengouffrait dans la vaste cavitĂ© formĂ©e par les armĂ©es françaises, comme prĂšs de deux mille ans auparavant, les lĂ©gions romaines lâavaient fait Ă Cannes face Ă lâarmĂ©e de Hannibal. Ils ont compris que la stratĂ©gie dâencerclement sâinversait, que le sort des armes changeait. Douze jours aprĂšs le dĂ©but de la retraite, le 6 septembre au matin, Joffre signait lâordre de la contre-attaque gĂ©nĂ©rale Au moment oĂč sâengage une bataille dont dĂ©pend le salut du pays, il importe de rappeler Ă tous que le moment nâest plus de regarder en arriĂšre ; tous les efforts doivent ĂȘtre employĂ©s Ă attaquer et refouler lâennemi. Une troupe qui ne pourra plus avancer devra, coĂ»te que coĂ»te, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutĂŽt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune dĂ©faillance ne peut ĂȘtre tolĂ©rĂ©e ». Ă cet instant, plus de 150 000 soldats français sont dĂ©jĂ tombĂ©s depuis le dĂ©but de la guerre, dont 27 000 pour la seule journĂ©e du 22 aoĂ»t. Ă cet instant, Charles PĂ©guy et les hommes de la 19Ăšme compagnie ont dĂ©jĂ payĂ© lâimpĂŽt du sang et dorment sur le champ de bataille, ensemble tuĂ©s Ă lâennemi », semblables Ă des gisants, couchĂ©s dessus le sol Ă la face de Dieu ». Pour ces soldats aux antiques vertus » lâĂ©popĂ©e sâest achevĂ©e au 35e jour de la guerre. Trente-cinq jours, ils ont marchĂ© drapeaux dĂ©ployĂ©s au milieu des chants et des rires, des pleurs et des cris vers le mĂȘme et tragique destin. Parmi eux le capitaine Pierre GuĂ©rin, lâancien baroudeur dâAfrique, frappĂ© en scrutant les lignes ennemies avant lâassaut ; le lieutenant saint-cyrien, Charles de la CornillĂšre, mort gantĂ© de blanc ; les sergents Graillot et PanissiĂ©, les caporaux Auger, Lafasse et DelĆil, les soldats Guyot, Berthier, Lascaux et Martinet et, avec eux, une centaine dâautres, ouvriers de Paris et paysans Briards pour la plupart, tombĂ©s en moins dâune heure, dâun mĂȘme Ă©lan, dâun mĂȘme mouvement, dâune mĂȘme mort hĂ©roĂŻque, dâun mĂȘme sacrifice, mitraillĂ©s depuis les hauteurs de la colline de Monthyon par les bataillons du IVĂšme corps de rĂ©serve du gĂ©nĂ©ral von Gronau chargĂ© de protĂ©ger les arriĂšres de lâarmĂ©e de von Kluck courant vers le sud. On retrouvera leurs corps inanimĂ©s le lendemain, alignĂ©s dans un ordre parfait comme pour une derniĂšre parade devant lâĂ©ternitĂ©. Au milieu dâeux, le lieutenant Charles PĂ©guy atteint dâune balle en plein front alors quâil commandait le feu, mort comme il avait vĂ©cu, debout, lâĂ©pĂ©e Ă la main, fidĂšle au commandement quâil avait Ă©noncĂ© quelques annĂ©es auparavant Celui qui est dĂ©signĂ© doit marcher. Celui qui est appelĂ© doit rĂ©pondre. Câest la loi, câest la rĂšgle, câest le niveau des vies hĂ©roĂŻques, câest le niveau des vies de saintetĂ© ». Les vies hĂ©roĂŻques », les vies de saintetĂ© », les pauvres et grandes vies de Charles PĂ©guy et des hommes de la 19Ăšme compagnie, traçaient maintenant lâextrĂȘme limite de lâinvasion. Lâoffensive allemande avait atteint son point culminant » dont Clausewitz dit quâil dĂ©termine le sort des armes. La guerre amorçait son tournant. Instant dĂ©cisif de notre histoire, crucial et mĂȘme unique. Jamais la France ne fut dans son histoire plus unie, plus rassemblĂ©e, quâĂ cet instant. La France de lâ Union sacrĂ©e » oĂč BarrĂšs sâincline devant la dĂ©pouille de JaurĂšs assassinĂ©, le pacifiste HervĂ© rallie le patriotisme le plus intransigeant, les antimilitaristes rĂ©clament des fusils, les socialistes votent les crĂ©dits de guerre et le marxiste Jules Guesde fraternise avec le trĂšs catholique Albert de Mun. La France engagĂ©e totalement, dans toutes ses forces ; dans toutes ses Ă©nergies, toutes les classes sociales, toutes les familles spirituelles et religieuses, toutes les forces politiques, la totalitĂ© des Français, nobles et roturiers, bourgeois et ouvriers, maĂźtres dâĂ©cole et curĂ©s, hommes dâarmes et gens de robe, laboureurs et marchands, apaches de Belleville et notables de province, catholiques et protestants, juifs et chrĂ©tiens, libres penseurs et croyants, dĂ©mocrates et absolutistes, socialistes et maurrassiens, rĂ©publicains et monarchistes, rĂ©volutionnaires et traditionalistes, se sont rassemblĂ©s en un mĂȘme groupe, animĂ©s dâune mĂȘme volontĂ©, poussĂ©s par une mĂȘme dĂ©termination, convaincus dâune mĂȘme idĂ©e, soudĂ©s dâune mĂȘme fraternitĂ©. La France spirituelle et la France temporelle, la France de lâAncien rĂ©gime et de la RĂ©volution, des sacres de Reims et de la nuit du 4 aoĂ»t, du baptĂȘme de Clovis et de la FĂȘte de la FĂ©dĂ©ration, des cathĂ©drales et des Ă©coles primaires, du Roi-Soleil et de la Commune de Paris, la fille aĂźnĂ©e de lâĂglise et la patrie des Droits de lâhomme, unies par-delĂ le fleuve des morts » dont parle Michelet. Vingt siĂšcles de rois, vingt siĂšcles de peuples », des siĂšcles et des vies, dâĂ©preuves et de saintetĂ©, dâexercices, de priĂšres, de travail, de sang, de larmes », plus de cent gĂ©nĂ©rations se succĂ©dant dans la poussiĂšre du temps, la longue carriĂšre ouverte depuis tant de siĂšcles, oĂč nous suivons nos pĂšres, oĂč nous prĂ©cĂ©dons nos enfants » Ă©voquĂ©e par Augustin Thierry. TrĂšs tĂŽt PĂ©guy, dĂšs 1905, a compris que cette guerre Ă©tait inĂ©vitable, que la France Ă©tait menacĂ©e par ce quâil appelle la kaiserliche menace militaire allemande ». TrĂšs tĂŽt, dĂšs la mĂȘme annĂ©e, il a compris la dimension et lâenjeu de la guerre. JaurĂšs et son camarade HervĂ©, Ă©crit-il, finiront peut-ĂȘtre par dĂ©couvrir, surtout si leurs intĂ©rĂȘts politiques les y poussent un tant soit peu, ils finiront peut-ĂȘtre par sâapercevoir que ce nâest point en Pologne que nous aurons Ă dĂ©fendre les libertĂ©s polonaises, et toutes les libertĂ©s de tout le monde, mais tout simplement, tout tranquillement, si je puis dire, sur les bords de la Meuse. Ils finiront par dĂ©couvrir ce que nous avons connu dâune saisie toute immĂ©diate parce que nous ne sommes pas des politiciens que plus que jamais la France est lâasile et le champion de toute la libertĂ© du monde, et que toute la libertĂ© du monde se jouera aux rives de la Meuse, aux dĂ©filĂ©s de lâArgonne, ainsi quâaux temps hĂ©roĂŻques, Ă moins que ce ne soit aux rives de la Sambre, ainsi quâau temps dâune rĂ©volution rĂ©elle â et veuillent les Ă©vĂ©nements que ce soit Valmy ou Jemmapes â, ou Ă quelque coin de la forĂȘt de Soignes â et veuillent les Ă©vĂ©nements, si ce doit ĂȘtre un Waterloo, que ce soit au moins un Waterloo retournĂ©. » PĂ©guy sait, il comprend, que la guerre quâil voit venir nâest pas un simple affrontement entre nations ou entre impĂ©rialismes. Il sait, il comprend, que son enjeu de la guerre est la libertĂ© du monde », quâelle est un affrontement matriciel, quâelle oppose, comme il lâĂ©crit, deux logiques, deux systĂšmes, deux visions du monde la France rĂ©publicaine et lâAllemagne impĂ©riale, lâidĂ©e de civilisation et le concept de Kultur, la nation Ă©lective et la communautĂ© organique, la passion du droit et le culte de la force, le gĂ©nie français et le Geist allemand. Quelques jours avant que le tocsin retentisse, il Ă©voque dans sa Note conjointe sur Descartes, lâaffrontement des hommes de libertĂ© » et des hommes dâempire », du systĂšme de proposition et de requĂȘte » prĂŽnĂ© par la France et du systĂšme de domination et de conquĂȘte » professĂ© par lâAllemagne. [âŠ] Câest pour cela, Ă©crit-il, que nous ne nous abusons pas, quand nous croyons que tout un monde est intĂ©ressĂ© par la rĂ©sistance de la France aux empiĂ©tements allemands. Et que tout un monde pĂ©rirait avec nous. Et que ce serait le monde mĂȘme de la libertĂ©. Et ainsi que ce serait le monde mĂȘme de la grĂące ». DâemblĂ©e, PĂ©guy sait, il comprend, que la guerre allemande sera une guerre dâinvasion et mĂȘme dâanĂ©antissement, une guerre totale », une grande leçon inaugurale dâinhumanitĂ©, une immense inondation de barbarie ». Michel Laval Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă la fois Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce quâune autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez Ă lire ici ? Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. Ce dernier restera connectĂ© avec ce compte. Y a-t-il dâautres limites ? Non. 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Donnez-moi le nom que vous mâavez toujours donnĂ©, Parlez-moi comme vous lâavez toujours fait, Nâemployez pas un ton solennel ou triste, Continuez Ă rire de ce qui nous faisait rire ensemble, Priez, souriez, pensez Ă moi, Que mon nom soit prononcĂ© comme il lâa toujours Ă©tĂ©, Sans emphase dâaucune sorte, sans trace dâombre, La vie signifie tout ce quâelle a toujours signifiĂ©, Elle est ce quâelle a toujours Ă©tĂ©. Le fil nâest pas coupĂ©, Simplement parce que je suis hors de votre vue. Je vous attends. Je ne suis pas loin. Juste de lâautre cĂŽtĂ© du chemin. Vous voyez tout est bien. [Charles PĂ©guy] bientĂŽt quelque part mes anges ;
LeurpĂ©guysme n'est pas cynique. Je ne dirais pas la mĂȘme chose des rĂ©cupĂ©rations politiques auxquelles vous faites allusion. Je ne supporte pas qu'on rĂ©duise PĂ©guy Ă quelques slogans, qu
PubliĂ© le 05/09/2014 Ă 1655 Cent ans aprĂšs sa disparition, les mots de Charles PĂ©guy rĂ©sonnent encore avec une justesse dĂ©concertante. Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier L'Ă©crivain français est mort au combat le 5 septembre 1914. Ă l'occasion du centenaire de sa mort, voici un florilĂšge de rĂ©flexions trĂšs actuelles du fondateur des Cahiers de la sa prĂ©face de PĂ©guy tel qu'on l'ignore Gallimard, 1973, Jean Bastaire se demande quand Charles PĂ©guy va-t-il enfin sortir de ce placard hypocrite et dĂ©suet oĂč l'a confinĂ© la seconde moitiĂ© du siĂšcle?». Un temps balayĂ© des rĂ©fĂ©rences culturelles, Charles PĂ©guy revient, plus actuel que jamais. Cent ans aprĂšs sa disparition, ses mots rĂ©sonnent encore avec une justesse dĂ©concertante. Sur la politique, l'enseignement, l'argent, les grandes problĂ©matiques de notre temps, Charles PĂ©guy nous parle encore.â Le monde politiqueLe parti politique socialiste est entiĂšrement composĂ© de bourgeois intellectuels.» L'Argent, 1913AussitĂŽt aprĂšs nous commence le monde que nous avons nommĂ©, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancĂ©s, de ceux qui savent, de ceux Ă qui on n'en remontre pas, de ceux Ă qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux Ă qui on n'a plus rien Ă apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbĂ©ciles. Comme nous. C'est-Ă -dire le monde de ceux qui ne croient Ă rien, pas mĂȘme Ă l'athĂ©isme, qui ne se dĂ©vouent, qui ne se sacrifient Ă rien. Exactement le monde de ceux qui n'ont pas de mystique. Et qui s'en vantent.» Notre Jeunesse, 17 juillet 1910â La rĂ©volutionUne rĂ©volution n'est pas une opĂ©ration par laquelle on se contredit. C'est une opĂ©ration par laquelle rĂ©ellement on se renouvelle, on devient nouveau, frais, entiĂšrement, totalement, absolument nouveau. Et c'est en partie pour cela qu'il y a si peu de vĂ©ritable rĂ©volution dans le monde moderne. Jamais on n'avait tant parlĂ© de RĂ©volution. Jamais on n'a Ă©tĂ© aussi incapable de faire aucune vĂ©ritable rĂ©volution, rĂ©novation, innovation. Parce que jamais aucun monde n'a autant manquĂ© de fraĂźcheur.» Suite de Notre Patrie, novembre 1905.â L'enseignementIl n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie. Quand une sociĂ©tĂ© ne peut pas enseigner, c'est que cette sociĂ©tĂ© ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-mĂȘme ; pour toute humanitĂ©, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une sociĂ©tĂ© qui ne s'enseigne pas est une sociĂ©tĂ© qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est prĂ©cisĂ©ment le cas de la sociĂ©tĂ© moderne.» Pour la rentrĂ©e, 1904â L'argentPour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est maĂźtre sans limitation ni mesure. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est seul en face de l'esprit. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire du monde l'argent est seul devant Dieu.» Note conjointe, 1er aoĂ»t 1914â L'artUne vĂ©ritable Ćuvre d'art ne naĂźt pas piĂšce de musĂ©e. Mais elle naĂźt dans un pays parmi des hommes et des mĆurs. L'idĂ©al n'est pas que les Ćuvres soient couchĂ©es quelque part dans un cimetiĂšre universel, mais l'idĂ©al est que les fleurs et les Ćuvres naissent, poussent, croissent, demeurent libres dans la terre natale, et qu'elles y accueillent le visiteur en voyage. Aujourd'hui, au contraire, c'est le visiteur inerte qui fait voyager les Ćuvres.» RĂ©ponse brĂšve Ă JaurĂšs, 4 juillet 1900â L'EgliseL'Eglise ne se rouvrira point le peuple Ă moins que de faire, elle aussi, elle comme tout le monde, Ă moins que de faire les frais d'une rĂ©volution Ă©conomique, d'une rĂ©volution sociale, d'une rĂ©volution industrielle, pour dire le mot d'une rĂ©volution temporelle pour le salut Ă©ternel.» Notre Jeunesse, 1910â La presseOn conduit aujourd'hui les lecteurs comme on n'a pas cessĂ© de conduire les Ă©lecteurs. La presse constitue un quatriĂšme pouvoir. Beaucoup de journalistes, qui blĂąment avec raison la faiblesse des mĆurs parlementaires, feraient bien de se retourner sur soi-mĂȘme et de considĂ©rer que les salles de rĂ©daction se tiennent comme les Parlements. Il y a au moins autant de dĂ©magogie parlementaire dans les journaux que dans les assemblĂ©es. Il se dĂ©pense autant d'autoritĂ© dans un comitĂ© de rĂ©daction que dans un conseil des ministres ; et autant de faiblesse dĂ©magogique. Les journalistes Ă©crivent comme les dĂ©putĂ©s parlent. Un rĂ©dacteur en chef est un prĂ©sident du conseil, aussi autoritaire, aussi faible.» De la Raison, 1901.
Maisla mort qui nous piste et nous suit Ă la trace A passĂ© par ce trou quâil sâest fait dans la peau. Charles PĂ©guy, Tapisserie de Notre-Dame, dans: Les tapisseries. prĂ©cĂ©dĂ© de: Sonnets, Les sept contre ThĂšbes, ChĂąteaux de Loire (coll. PoĂ©sie/Gallimard, 1993) image: Tiziano, Assunzione della Vergine (umanesimocristiano.org)Ătoile de la mer voici la lourde nappe Et la profonde houle et lâocĂ©an des blĂ©s Et la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s, Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix [âŠ] Plus FIDELI FIDELIS JĂ©sus parle. Ă mĂšre ensevelie hors du premier jardin, Vous nâavez plus connu ce climat de la grĂące, Et la vasque et la source et la haute terrasse, Et le premier soleil sur [âŠ] Plus I. PriĂšre de rĂ©sidence Ă reine voici donc aprĂšs la longue route, Avant de repartir par ce mĂȘme chemin, Le seul asile ouvert au creux de votre main, Et le jardin secret oĂč lâĂąme sâouvre [âŠ] Plus PREMIER JOUR POUR LE VENDREDI 3 JANVIER 1913 FĂTE DE SAINTE GENEVIĂVE QUATORZE CENT UNIĂME ANNIVERSAIRE DE SA MORT Comme elle avait gardĂ© les moutons Ă Nanterre, On la mit Ă garder un bien autre [âŠ] Plus BergĂšre qui gardiez les moutons Ă Nanterre Et guettiez au printemps la premiĂšre hirondelle, Vous seule vous savez combien elle est fidĂšle, La ville vagabonde et pourtant sĂ©dentaire. Vous qui la connaissez dans ses embrassements [âŠ] Plus Ătoile de la mer, voici la lourde nef OĂč nous ramons tout nuds sous vos commandements ; Voici notre dĂ©tresse et nos dĂ©sarmements ; Voici le quai du Louvre, et lâĂ©cluse, et le bief. Voici notre appareil [âŠ] Plus Depuis le Point-du-Jour jusquâaux cĂšdres bibliques Double galĂšre assise au long du grand bazar, Et du grand ministĂšre, et du morne alcazar, Parmi les deuils privĂ©s et les vertus publiques ; Sous les quatre-vingts rois et [âŠ] Plus Double vaisseau de ligne au long des colonnades, Autrefois bĂątiment au centuple sabord, Aujourdâhui lourde usine, Ă©norme coffre-fort FermĂ© sur le secret des sourdes canonnades. Nos pĂšres tâont dansĂ© de chaudes sĂ©rĂ©nades, Ils tâont fleuri [âŠ] Plus Double vaisseau de charge aux deux rives de Seine, Vaisseau de pourpre et dâor, de myrrhe et de cinname, Vaisseau de blĂ©, de seigle, et de justesse dâĂąme, DâhumilitĂ©, dâorgueil, et de simple verveine ; Nos [âŠ] Plus
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